Le défi du bâtiment bas-carbone est relevé
Retour sur le SIBCA 2023
La planification écologique du gouvernement fixe les ambitions : diminuer de 55% les émissions du secteur du bâtiment. Mais, pour éviter des effets rebond, c’est une transition systémique qui doit s’enclencher et la filière du bâtiment et de la ville n’a pas attendu la formalisation de ces objectifs pour agir. La 2e édition du Salon de l’Immobilier Bas Carbone (SIBCA) fin septembre le montre : les entreprises, à tous les niveaux de la chaîne, se mobilisent pour une transition bas carbone. Une mobilisation essentielle pour assurer l’attractivité future des villes.
Paris-Île de France Capitale Économique engage des chantiers de réflexion sur les nouveaux facteurs d’attractivité des villes globales à l’aune des transitions. Un urbanisme résilient et inclusif qui prend en compte et promeut les savoir-faire des entreprises et des acteurs du territoire est capital : en 2050, 70% de la population mondiale sera urbaine d’après les projections de la Banque mondiale. Si le développement des villes représente une opportunité de croissance, il pose de nombreux défis, à la fois économiques, sociaux, politiques et environnementaux.
L’immobilier – un secteur clé pour décarboner et adapter la ville
Le secteur de la construction et du bâtiment représente 20% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Pour la France, cette part monte à 25%. La répartition des émissions montre que c’est l’existant qui pèse le plus dans l’impact carbone du secteur, d’où l’objectif de rénovation énergétique fixé par le gouvernement. Cependant, alors que les émissions de l’existant ont baissé en 2022, la construction a vu une augmentation de 2,4% par rapport à 2021 (Chiffres clés du climat 2023).
Le bâtiment est un des principaux leviers de décarbonation car la plupart des technologies et des savoir-faire pour atteindre cet objectif existent déjà ; aussi bien pour la construction neuve que pour la rénovation. C’est un secteur clé à la fois pour atténuer le changement climatique dans le respect des objectifs des Accords de Paris, mais aussi pour adapter la ville au réchauffement. Comme l’a dit Guillaume Meunier, responsable du Hub des Prescripteurs Bas Carbone à l’IFPEB, « Le bâtiment et la France peuvent être des vecteurs d’excellence de l’action pour la décarbonation ». Nous pouvons même affirmer que l’ambition du secteur en matière de décarbonation peut devenir un facteur clé d’attractivité pour la région capitale et pour la France.
Une filière qui répond présent
Cette année, ce sont 115 exposants et 8 750 participants qui ont pendant trois jours fréquenté le Grand Palais éphémère pour mettre en avant les expérimentations de la filière du bâtiment, témoigner et partager leurs réussites et difficultés. La filière fait face à de nombreux défis pour accélérer sa transition vers le bas carbone : la question des matériaux, celle des déchets… La principale difficulté réside peut-être là : il faut agir sur tous les fronts.
Un défi fondamental est celui de la méthode de mesure de l’impact carbone. Une méthode harmonisée en Europe est essentielle pour savoir fixer des objectifs collectifs, comparer et partager les bonnes pratiques. La Low Carbon Building Initiative teste ainsi sur différents projets européens sa méthode publiée en 2023. Le défi de la transition bas-carbone est aussi un défi de compétences et de formation. Dans une note d’analyse de septembre 2023, France Stratégie souligne les besoins de main-d’œuvre : il faudra créer de 170 000 à 250 000 emplois supplémentaires d’ici 2030 pour la rénovation énergétique, sans compter la mutation des besoins en compétences dans l’ensemble des métiers de la construction (architectes, ingénieurs, économistes de la construction, ouvriers, etc.). Le SIBCA l’a compris en organisant un après-midi des talents pour favoriser le recrutement.
Sur la question des matériaux et des déchets dans le bâtiment, l’inflation et la raréfaction des ressources dues au contexte géopolitique et climatique mondial a accéléré le développement de l’écoconception et de l’économie circulaire pour toutes les entreprises, des start-ups aux grands promoteurs. Bertrand Bousquet, responsable économie circulaire chez Bouygues Immobilier, note « un alignement des planètes en termes de maturité des acteurs et de cadre réglementaire ». Si l’économie circulaire présente encore un risque financier et assurantiel, l’engagement d’une entreprise sur cette voie permet un effet d’image et d’embarquement sur d’autres projets. La reconversion d’un ancien site industriel à Bagneux par Bouygues Immobilier reste ainsi une référence emblématique en matière d’économie circulaire.
Les solutions sont là : nouveaux matériaux bas-carbone, rationalisation des programmations, économie circulaire, construction hors-site… La question est désormais l’accélération et le passage à l’échelle. Or, le coût que représente l’engagement bas-carbone et la transformation des entreprises et le risque de perdre en rentabilité freinent ce passage. Pour permettre à la filière de relever ces défis, le monde financier (assurances, réseaux bancaires, gestionnaires d’actifs) doit allouer efficacement les ressources. Stanislas Pottier, président de l’Association BBCA, Senior Adviser de la Direction générale d’Amundi et alors Directeur général de l’Institut de la Finance Durable (IFD), l’a souligné : « Il faut une nouvelle mécanique où tout le monde se parle – politiques, financeurs et industriels – pour que la transition se passe ».
La mobilisation des investisseurs, indispensable pour alimenter la filière
Si des investisseurs sont déjà sensibilisés aux enjeux environnementaux et présentent une appétence pour les projets immobiliers durables, ces considérations ne sont pas généralisées et la prise en compte de la durabilité est encore très incomplète dans la valeur des actifs. Il faut donc développer la valorisation économique des projets immobiliers bas-carbone et démontrer que la décarbonation est vecteur de création de valeur sur toute la chaîne de valeur de l’immobilier bas-carbone.
En tant que stratégie, le bas carbone représente une vraie valeur ajoutée. Il permet de réduire les coûts sur tout le cycle de vie du bâtiment : la mobilisation de matériaux durables implique une diminution de la fréquence des changements de matériaux et des coûts de maintenance, l’efficacité énergétique réduit les coûts d’exploitation, etc. Par ailleurs, l’immobilier bas-carbone est appelé à s’imposer sur les marchés. Les logements inscrits dans cette stratégie sont attractifs chez les locataires, de plus en plus conscients des enjeux environnementaux (75% des Français ont à cœur d’avoir un logement plus respectueux de l’environnement d’après une étude de Qualitel), ce qui réduit par ailleurs les périodes de vacances de ces logements.
Avec l’accélération des réglementations environnementales sur les bâtiments, certains actifs ne respectant pas les nouvelles normes seront hors marché ou deviendront illiquides. Par exemple, la loi Climat et Résilience interdit depuis janvier 2023 la mise en location des logements dont la consommation énergétique est supérieure ou égale à 450 kilowattheures/m²/an d’énergie finale, soit les logements les plus énergivores de la classe énergie G ; cela représente près de 100 000 logements du parc privé éliminés du marché locatif. À partir de janvier 2025, l’ensemble des logements classés G sera interdit à la location, soit environ 600 000 logements. Viendront ensuite les logements F (2028, 1,2 millions de logements) puis E (2034, 2,6 millions de logements).
Enfin, dans l’économie circulaire, on constate que les prix des bâtiments avec réemploi de matériaux arrivent au même niveau que ceux des bâtiments neufs, non pas à cause du coût de production mais parce que les acheteurs ont conscience qu’ils achètent aussi un bilan extra-financier ; ils acceptent de payer plus pour un bâtiment plus vertueux (Aurélie Malvy, Tricycle). Selon Loïc Lonchampt, de Swiss Life Asset Managers, la valeur des nouveaux actifs immobiliers passe, d’une part, par la capacité à « rester à la pointe sur l’environnement » et avoir un temps d’avance sur les réglementations, les innovations et la demande par des solutions vertes qui permettent de maintenir la valeur (green premium…) ; d’autre part, par des services qui répondent aux nouveaux besoins et aux nouveaux usages des bâtiments.
Cependant, pour que ces arguments économiques soient réellement valorisés auprès des investisseurs, il faut apporter des éléments de preuves par des données harmonisées et des outils adéquats. L’enjeu est la collecte de données, comme l’ont souligné les gestionnaires d’actifs (table-ronde avec La Française, UNOFI, N’CO Conseil, EneVille et S2T Ingénierie). Les investisseurs recherchent désormais des grilles de lecture fines sur l’impact de leurs investissements ; l’écosystème de l’immobilier bas carbone doit leur fournir les outils adéquats pour éviter le greenwashing et « rendre visible le CO2 » sur chaque actif (Guillaume Poitrinal). Parmi les outils existants, Wüest Partner a exposé sa méthode qui consiste à lier valorisation ESG et valorisation financière. En appliquant cette méthode, Linkcity a pu prouver que, sur leurs projets immobiliers bas-carbone, le rendement de l’actif était meilleur pour l’investisseur (+10% de valeur vénale sur le bâtiment Quai 22). La comptabilité triple-capitale et la comptabilité intégrée répondent également au besoin de « financiariser » la data extra-financière : présentée par Clément Morlat, la méthode CARE articule la comptabilité bio-physique et monétaire, sur tous les scopes, pour valoriser sa performance environnementale et sociale. Enfin, les labels (BBCA, ISR) jouent un rôle essentiel pour vérifier et harmoniser la donnée, en faveur d’un marché plus transparent.
Une réglementation qui évolue et encourage les entreprises exemplaires
Les pouvoirs publics – dont les collectivités territoriales ayant la compétence d’urbanisme – ont aussi leur rôle à jouer. Plusieurs représentants de collectivités étaient ainsi au SIBCA présentant les lauréats d’appels d’offres, comme Paris La Défense (membre PCE) pour le renouveau du quartier d’affaires, ou leur stratégie bas-carbone, comme Plaine Commune et son analyse de métabolisme général. Tout comme pour les entreprises de la filière, le niveau de maturité de la réglementation est hétérogène. Mais certaines révisions de plans locaux d’urbanisme annoncent une refonte à venir, la Ville de Paris en tête. Le Plan Local d’Urbanisme (PLU) Bioclimatique présenté par Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris en charge de l’urbanisme, met en avant la façon dont les collectivités peuvent renforcer les pratiques bas-carbone. Parmi les mesures de ce PLU, on compte quelques innovations juridiques, notamment le critère de mixité fonctionnelle pour inciter les promoteurs à diversifier leur programmation ou encore l’urbascore.
Zoom sur le Plan Local d’Urbanisme Bioclimatique de Paris
Le processus. En décembre 2020, le Conseil de Paris a voté la révision du PLU, l’actuelle réglementation applicable datant de 2006, avec pour ambition d’accélérer la transition écologique du tissu urbain parisien. Après plusieurs phases de diagnostic et de concertation, le projet de PLU Bioclimatique a été adopté le 6 juin 2023. En phase d’enquête publique, il devrait être approuvé fin 2024 et entrer en vigueur en 2025.
Les ambitions principales. Par la révision du PLU, l’objectif est de mener la ville dans une transition vertueuse et résiliente (nature en ville, réduction de l’empreinte carbone, ville du quart d’heure…) tout en conservant et valorisant les différentes identités urbaines du territoire. Cette approche environnementale est combinée à une ambition d’inclusivité – notamment autour du logement – et de valorisation des appareils productifs.
La mixité fonctionnelle. Le projet de PLU promeut le principe de mixité fonctionnelle, c’est-à-dire une programmation variée entre notamment le tertiaire, les commerces et les logements, dans l’ambition de la ville du quart d’heure. L’innovation consiste à prévoir une servitude de mixité fonctionnelle en faveur du logement pour les projets de plus de 5 000 m2. Pour éviter des blocages de projets, ces derniers seront étudiés au-delà de la parcelle pour prendre en compte les besoins véritables du quartier.
L’urbascore. Cette nouveauté juridique met en place 9 critères d’évaluation des projets répartis en 3 catégories : nature et biodiversité ; mixité (fonctionnelle ou sociale) ; sobriété et efficacité. Les projets de construction neuve ou de réhabilitation lourde devront atteindre un seuil pour chaque critère et surperformer sur au moins trois critères de deux catégories différentes – des objectifs élevés pour les acteurs de la filière.
Les normes françaises sont les plus exigeantes d’Europe, notamment la RE2020. Cette dernière marque le passage de la réglementation thermique à la réglementation environnementale pour la construction neuve. Ce passage implique de poursuivre l’amélioration de la performance énergétique, mais il fait apparaître également un objectif d’adaptation au réchauffement et une analyse en cycle de vie du bâtiment, dans le but de minimiser son impact carbone dans sa construction et jusqu’à sa fin de vie. Les entreprises françaises prennent donc un temps d’avance, malgré des disparités d’avancement selon les métiers (béton v. bois).
Ce qui ressort des interventions et tables-rondes du SIBCA, c’est aussi l’enjeu d’agir à la bonne échelle. Selon Emmanuel Grégoire, le droit de l’urbanisme n’est plus adapté aux enjeux actuels, notamment parce que celui-ci est centré sur la parcelle. Il y a un besoin d’élargir la focale, pour prendre en compte le quartier, la ville, voire l’aire urbaine. Le Grand Paris est un exemple phare des dynamiques urbaines et des mobilités d’une grande métropole. Centrer ses réflexions sur des limites administratives met de côté la réalité complexe du fonctionnement de nos territoires. L’échelle de la communauté de communes ou de la métropole est – dans nombre de cas – intéressante pour penser l’impact carbone et mettre en place des synergies. Plaine Commune – regroupant 9 communes au nord de Paris dont Saint-Denis et Aubervilliers – a créé une charte de l’économie circulaire et travaille pour identifier des zones plateformes afin de gérer les flux entrants et sortants et améliorer son « métabolisme général ». Dans ce cadre, elle mène également avec la Métropole du Grand Paris (membre PCE), la Ville de Paris et Grand Paris-Grand Est un projet numérique pour développer l’outil IT MU, qui vise à faciliter la rencontre de l’offre et de la demande pour permettre la massification du réemploi. Cet enjeu de l’échelle ressort également pour la filière : le nouveau label BBCA Quartier met en valeur le double objectif d’avoir un aménagement bas-carbone et de penser le cadre de vie du quartier comme un outil à la décarbonation des modes de vie, en favorisant notamment les mobilités douces.
Le point de vue de Dominique Boré
Dominique Boré est Présidente d’honneur de la Maison de l’architecture Île-de-France et Commissaire générale du mouvement Unisson(s). Le mouvement a publié en octobre 2023 un ouvrage intitulé Construire une architecture bas carbone et du vivant. Nouvelles pratiques à l’ère de la RE2020 aux éditions Le Moniteur.
Le SIBCA existe, et c’est déjà là une grande qualité. Jusqu’à l’année dernière, il n’y avait pas de salon du bas carbone. Or, c’est une vraie problématique pour l’ensemble des acteurs de la construction, d’où leur mobilisation massive.
La 2e édition a rassemblé, au-delà des constructeurs, les financiers et les industriels. En effet, la loi de taxonomie européenne oblige les acteurs à intégrer l’impact environnemental dans leur comptabilité depuis le 1er janvier 2022. Cela va tout changer du point de vue financier. Et sans les industriels, il n’y a pas de matériaux bas-carbone.
La France est pionnière en termes de réglementation avec la RE2020, tout comme les Pays-Bas. Applicable au 1er janvier 2022, cette norme est le fruit d’une longue concertation pré-COVID entre l’État et l’ensemble des acteurs. Elle a fait faire un bond en avant et promeut une vision d’ensemble de la problématique avec l’analyse du cycle de vie, le confort d’été, le recours à des ressources locales ou encore l’hydrographie. Grâce à l’analyse du cycle de vie, la temporalité change d’une vision à 10 ans – qui est celle du promoteur aujourd’hui – à une vision à 50 ans. De même, la loi Climat et Résilience fixe des seuils et un calendrier contraignants, mais laisse libre le chemin pour les atteindre et la créativité technique et architecturale. Cette liberté et sa compréhension de la diversité territoriale en font un outil intéressant, adapté et adaptable.
Mais un absent du SIBCA était la réflexion sur l’existant, sa rénovation et sa réhabilitation. Un groupe de travail a été lancé il y a un an par le gouvernement pour se pencher sur cet enjeu considérable. Le logement social et le logement individuel sont des défis considérables. Le logement social (et son désamiantage) est devant un mur technique et financier. Pour les pavillons, un accompagnement technique et financier pour une rénovation vers le bas carbone qui va au-delà de l’enjeu thermique est nécessaire, tout comme une continuité juridique pour rassurer le propriétaire dans ses démarches.
Nous avons la technique, nous avons la finance et nous avons la réglementation et la volonté gouvernementale de réindustrialiser. L’enjeu est le changement des pratiques et des modes de faire. Le défi est celui du travail collectif.
Les acteurs de la filière ont pris conscience qu’ils ne pouvaient plus construire comme avant. Dans les années 2000, le logement est devenu un produit financier. Le COVID a mis en lumière les déficiences de programmation qui découlent de cette vision financiarisée et a été une rupture dans l’acceptation de l’usager de l’appartement. De même, avec la RE2020, il n’est plus possible de travailler en silos et par phases : les acteurs vont devoir réfléchir et travailler ensemble à la programmation. Et le mouvement Unisson(s) est au cœur de cette évolution des pratiques de conception et de construction.
Dans la réinvention des modes de faire, le mouvement Unisson(s) se positionne pour construire une architecture bas-carbone solide, habitable et belle. Né de la RE2020, il réunit de nombreux architectes et bureaux d’études et s’inscrit dans le Nouveau Bauhaus européen qui vise à la création d’un nouvel imaginaire de la ville de demain.
La route reste longue, mais le chemin du bas carbone est résolument pris par les acteurs du secteur, comme en témoigne le SIBCA.
Une France et un Grand Paris pionniers dans le bâtiment bas-carbone
Sou Fujimoto, architecte japonais opérant en France et au Japon et concentrant son travail sur le lien entre nature et architecture, le souligne : l’industrie française, celle du bois notamment, a quelques pas d’avance dans la transition bas-carbone. La réglementation exigeante, notamment la RE2020 et celles qui lui succéderont, pousse les entreprises de la construction à suivre une courbe de transition ambitieuse. « Plus d’une centaine de pays ont inscrit l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 (ou 2060) dans leur réglementation », soulignait Jean Jouzel en ouverture du SIBCA. Mais la création de l’association BBCA en 2015 et celle du Salon en 2022 a permis à la France et aux entreprises françaises de « prendre le leadership sur le calcul de l’empreinte carbone et d’avoir de grandes maisons qui s’intéressent plus qu’ailleurs à l’impact carbone sur la durée » (Guillaume Poitrinal, fondateur de WO2). La stratégie française de décarbonation des bâtiments – notamment en termes de rénovation énergétique – est mise en lumière comme modèle pour les autres pays par l’ONU. Cependant, cet enjeu n’a été que peu abordé lors du SIBCA, tout comme la question de la Zéro Artificialisation Nette (ZAN), alors même que les données montrent le bâtiment existant comme la source principale des émissions du secteur. Ce manque se retrouve chez tous les acteurs, y compris étatiques, mais la prise de conscience est déjà là.
Paris La Défense (membre PCE) démontre l’ambition forte des acteurs territoriaux : avec l’appel à projets Empreintes sur différents sites du quartier, elle est sur la bonne voie pour devenir « le premier quartier d’affaires post-carbone du monde », comme l’a mis en avant son président Georges Siffredi lors de la présentation du premier lauréat de cet appel à projets. Empreintes consiste à promouvoir des projets urbains mixtes et bas-carbone pour améliorer cinq territoires de jonction du quartier d’affaires en misant sur l’exemplarité environnementale, la contribution à la vie de quartier et la pérennité. Le quartier entend ainsi laisser une marque durable dans le panorama urbain mondial. La France, et plus particulièrement le Grand Paris, a également saisi l’opportunité des JOP 2024 pour accélérer la transition de la filière du bâtiment. Les JOP sont un catalyseur d’innovation et de synergie. Le Concept Compact voulu pour les Jeux implique que seuls deux équipements sportifs pérennes sont à construire, le Centre aquatique olympique et l’Arena 2. L’ambition bas-carbone des Jeux invite quant à elle à accélérer le changement vers de nouveaux modes de faire. Pour les sièges de ces enceintes, Bouygues Bâtiment Île-de-France a été choisie et s’est alliée, entre autres, à la société Le Pavé® / SasMinimum qui produit via un procédé unique les Pavés nécessaires à la fabrication des sièges à base de déchets plastiques. Ce partenariat souligne l’importance de la rencontre entre startups de l’économie circulaire et grandes entreprises pour permettre un passage à l’échelle et favoriser des pratiques durables. Les nombreuses entreprises et autorités publiques engagées autour de la SOLIDEO et du COJO développent leur stratégie bas-carbone et partagent leurs expériences. L’événement planétaire permettra un effet vitrine pour ces acteurs engagés.
Au-delà de la place pionnière qu’est en train de prendre la France, c’est aussi la question de son attractivité future et de celle de ses villes qui se jouent dans la mobilisation et la transformation bas-carbone des acteurs du bâtiment. Karin Degerfeldt, conseillère stratégie durable de la ville suédoise de Skelleftea, a démontré comment la transition vers une économie bas carbone pouvait transformer une ville en pôle d’attractivité (Skelleftea a ainsi gagné 20% d’habitants). Alors que l’urbanisation continue et que la ville et ses réseaux facilitent la décarbonation, l’adaptation du bâti au réchauffement est un levier nécessaire pour maintenir l’attractivité du territoire sur le long terme. Dans sa réflexion sur les nouveaux facteurs d’attractivité, Paris-Île de France Capitale Économique se penche sur la qualité de vie dans les villes globales, facteur fondamental pour assurer un futur durable et désirable. Dans le Grand Paris, cette préoccupation est à mettre au premier plan car si les classements économiques la mettent en haut des podiums en France et en Europe, la métropole se positionne parmi les moins attractives à l’échelle nationale selon l’Observatoire des Métropoles de Stan et Newton Offices. Le dynamisme économique n’est pas – ou plus – le seul facteur de l’attractivité.
« Nous avons la technique, nous avons la finance et nous avons la réglementation et la volonté gouvernementale de réindustrialiser. L’enjeu est le changement des pratiques et des modes de faire. Le défi est celui du travail collectif. » déclare Dominique Boré. Un changement de paradigme capital pour accélérer la décarbonation du secteur et atteindre les objectifs fixés en 2050.