CHANGE NOW 2024

CHANGE NOW 2024
Changeons de perspective sur les transitions écologiques et sociales

Le sommet Change Now 2024 réunit des experts et dirigeants d’entreprises, d’associations, d’administrations publiques et d’autres organisations engagées dans les transitions écologiques et sociales. L’objet de ce sommet : diffuser des solutions pour accélérer les transitions vers un monde durable et partager des actions concrètes pour changer les normes, les entreprises et les individus.

Le sommet s’est tenu au Grand Palais Éphémère du 25 au 27 mars 2024. Paris-Île de France Économique y était présent sur 2 jours et a assisté à 12 conférences et table-rondes sur des thématiques variées comme l’adaptation aux risques climatiques, l’industrialisation durable, la transformation des chaînes de valeur ou encore les villes durables pionnières. Nous nous sommes particulièrement intéressées aux initiatives concrètes portées par les entreprises et les villes.

 

L’article s’appuie précisément sur les interventions suivantes : 

From Individual Action to Collective Power

Boaz Paldi, Chief Creative Officer, United Nations Development Programme

Brune Poirson, Group Chief Sustainability Officer,Accor

Adaptation to Climate Risks

Dagur B. Eggertsson, Deputy mayor, City Of Reykjavik

Sophie Hæstorp Andersen, Lord Mayor, City Of Copenhagen

Isabelle Spiegel, Vice President, Environment, VINCI

Sustainable industrialization

Benoît Bazin, CEO, Saint-Gobain

Bruno Bonnell, Secretary general for Investments, France2030

Transforming Businesses Across the Value Chain

Lubomila Jordanova, Co-founder & CEO, Plan A

Ulrike Sapiro, Chief Sustainability Officer, Henkel

John McCalla-Leacy, Partner, Global Head of ESG & UK ESG Vice Chairman, KPMG

Cathy Pieters, Vice President Global Sustainable Ingredients, Mondelez International

Building with Tomorrow in Mind

Edward Bouygues, Deputy CEO, Bouygues

Barbara Trachte, Brussels Secretary of State for the Economic Transition and Scientific Research, Brussels Capital Region

Rethinking Economic Systems Inside the Planetary and Social Boundaries

Timothée Parrique, Researcher in Ecological Economics, University Of Lund

Michel Scholte, Director & Cofounder, Impact Institute & True Price

Maria Syed, Researcher, Interactive Media Foundation GGmbh

Business & Public Policy

Kelsey Beltz, Head of Global Partnerships, The Good Lobby

Yannick Servant, Co-founder, Climate Enterprise Convention

Caroline Neyron, Executive Manager, Mouvement Impact France

Adaptation as a Solution

François Gemenne, Researcher, professor and academic director of the Master in Sustainability and Social Innovation (SASI), HEC Paris

Sustainable City Pioneers: Shaping Urban Futures

Carlota Sanz Ruiz, Co-founder and Strategy Lead, Doughnut Economics Action Lab

Grégory Doucet, Maire de Lyon

Pavlo Yablonsky , Secretary of the city council, Vinnytsia City Council, & Svitlana Yarova, Head of budget, finance & social economic development committee, Vinnytsia City Council, Institute For Urban Development.

 

Les propos et les propositions dont il est fait état dans cette note ne reflètent pas nécessairement ni les positions de Paris-Île de France Capitale Économique, ni celle de ses membres.

 

À l’occasion du forum Change Now 2024, les intervenants ont partagé un constat commun : les acteurs économiques – dirigeants d’entreprises, administrations territoriales, citoyens, etc – commencent enfin à changer. Au-delà de la prise de conscience et de la compréhension des enjeux environnementaux et sociétaux, nous commençons à expérimenter des solutions et mettre en place des initiatives concrètes en faveur des transitions. Nous commençons également à changer de perspective sur les transitions écologiques et sociales. Celles-ci ne sont plus perçues uniquement comme des contraintes, mais aussi comme un projet de société, porteur de sens et d’opportunités. Cependant, deux blocages à l’action ont été identifiés : la vision sur le temps long et l’ampleur des transformations requises.

Le temps long peut décourager les initiatives, notamment parce que les effets du changement climatique ne nous affectent pas encore tous de façon évidente, et parce que les dirigeants d’aujourd’hui ne seront pas ceux de 2100. Cette vision à court terme peut conduire à la procrastination et retarder les actions nécessaires pour assurer un avenir durable. L’ampleur des transformations requises nécessite quant à elle une action collective ; cependant, le manque de convergence entre les acteurs peut conduire à un dilemme du prisonnier, où chacun attend que l’autre fasse le premier pas. Pour surmonter ces blocages, il est nécessaire de reconsidérer notre responsabilité au-delà des frontières territoriales et générationnelles, en adoptant une responsabilité partagée et collective.

Plusieurs pistes intéressantes ont été dégagées à Change Now pour agir sur le temps long et partager une responsabilité collective : aligner la stratégie de l’entreprise sur une vision de long terme, pratiquer un lobbying responsable pour favoriser l’implémentation de réglementations supranationales, ou encore mobiliser la théorie du Donut pour en faire un tableau de bord et un outil de pilotage des transitions à l’échelle de la ville. Dans notre mission d’animer le débat public, nous livrons, avec cette note, un regard sur certaines des solutions et des convictions présentées à Change Now. Ce sont autant de solutions complémentaires pour changer en profondeur nos systèmes économiques et de gouvernance en faveur d’une société plus durable, du moins à l’échelle des villes et des entreprises. 

 

    1-Agir sur le temps long

1.1. Trois idées reçues sur le changement climatique

François Gemenne, enseignant-chercheur à HEC, dément trois conceptions erronées sur le changement climatique : 

  • Le changement climatique n’est pas une crise, mais une transformation profonde qui devra impliquer de nouveaux modèles économiques et un contrat social. Contrairement à la Covid-19 qui a imposé des mesures provisoires, le changement climatique est une transformation sur le temps long qui soulève un fort enjeu d’acceptabilité et surtout de désirabilité.
  • Le changement climatique n’est pas un problème binaire (win or lose), mais un problème graduel : à chaque émission de GES évitée, nous sommes un peu plus prêts. Ce propos est relayé par Boaz Paldi, Chief Creative Officer au Programme de Développement des Nations Unies, qui dément l’idée que « the problem is too big, the solutions are too small ». Chaque petit pas compte, nous n’avons pas raté le coche.
  • Le changement climatique n’est pas un problème de flux, mais un problème de stock : alors que nos émissions de GES continuent de s’accumuler, réduire nos émissions de GES ne suffira pas, il faut atteindre la neutralité carbone. 

Alors que le débat sur le changement climatique est animé par des objectifs à l’horizon 2030, 2050, voire 2100, l’action sur le long-terme pose problème. À ce propos, Xavier Lépine, Président de Paris-Île de France Capitale Économique explique en effet que “l’humanité a une préférence naturelle pour le présent et son action, qu’elle soit politique ou économique, est ainsi largement conditionnée par l’urgence. Ce faisant, la priorité passe au second plan… Il y a toujours mille bonnes raisons de nier les faits et de retarder l’action : protéger des intérêts, son mode de vie, son équilibre psychique, l’ordre social…”  Cette difficulté à considérer le temps long conduit à procrastiner, à laisser les problèmes s’accumuler et à rejeter sur les générations futures la responsabilité d’une action de plus en plus complexe. 

L’enjeu est donc double : échelonner les objectifs et montrer notre intérêt à agir dès aujourd’hui pour protéger nos intérêts pas uniquement à long terme, mais aussi à moyen et à court termes. Il en va de la crédibilité des dirigeants actuels et de la réputation des entreprises d’une part. Il en va  de notre résilience face aux conséquences du changement climatique d’autre part.  Xavier Lépine note en effet “qu’il arrive que la priorité devienne elle-même urgente, c’est-à-dire perceptible sur un horizon de temps où nous nous sentons affectés. C’est le cas aujourd’hui. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, un changement climatique sera perceptible à l’échelle d’une vie”.

1.2. Les entreprises : comment concrétiser une vision ?

Pour gérer le temps long, la proactivité et l’anticipation sont essentiels : Isabelle Spiegel, Directrice de l’environnement de VINCI (membre de Paris-Île de France Capitale Économique), explique qu’il faut agir au plus vite, sans attendre que toutes les barrières (économiques, réglementaires) se lèvent. Mais Yannick Servant, co-fondateur de la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC), fait remarquer que les dirigeants vont et viennent dans l’entreprise ; ils n’ont pas d’intérêt ni de motivation à faire du long-terme. La vision adoptée par l’entreprise doit donc se décliner de façon très concrète sur sa stratégie, sur son modèle d’affaires et sur tous ses métiers. 

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à se définir une raison d’être, une mission ou une contribution sociétale. Cependant, ces initiatives ne doivent pas servir d’alibi pour persister dans un business as usual. Par exemple, Accor définit habilement sa mission et sa stratégie en réponse aux enjeux climatiques (« build a place better than home »). Puisque les clients continueront de voyager, l’idée est de proposer une façon de voyager plus responsable, faire expérimenter des modes de vie et transmettre une vision que les clients ramèneront chez eux à leur retour de voyage. Brune Poirson, Directrice du développement durable d’Accor, explique que cette vision doit être partagée à tous les niveaux de l’entreprise afin de se concrétiser : “Sustainability cannot be the job of the sustainability team. It has to be shared. People need to be empowered to become ambassadors so they can bring about change at every level of the company”.

Aligner la vision de long terme à la stratégie de l’entreprise amène à revoir le modèle de performance de l’entreprise et reconsidérer la mesure du succès. La question du modèle de performance est clé pour impulser le changement dans l’entreprise selon Ulrike Sapiro, Chief Sustainability Officer à Henkel : “data drive business decisions”. Ce besoin de revoir nos modèles de performance arrive à l’aune d’un changement de paradigme qui consiste non pas à faire plus, mais à faire mieux, selon Bruno Bonnell, secrétaire général aux investissements de France 2030. Ainsi, Benoît Bazin, PDG de Saint-Gobain, témoigne avec le Plan stratégique Grow & Impact que générer un impact positif devient une condition essentielle à la croissance de l’entreprise. Les entreprises se dirigent vers des modèles où les performances économiques et sociétales sont interdépendantes et s’alimentent réciproquement. C’est pourquoi le fonds de dotation de Paris-Île de France Capitale Économique The Foundation by PCE, dans le cadre de sa nouvelle orientation stratégique, monte un groupe de travail sur les nouveaux indicateurs de l’attractivité.

1.3. Les villes : engager des grands travaux pour renforcer sa résilience.

La difficulté d’agir à l’encontre de ses intérêts immédiats s’applique également aux villes. Par exemple, à Reykjavik, s’adapter au changement climatique suppose  de mettre en place des solutions souvent intensives en capital car il faut repenser en profondeur de nombreux aspects (infrastructures, littoraux, etc). L’enjeu est de sécuriser la ville et d’installer des infrastructures qui contribuent à l’adaptation au changement climatique et à la hausse du niveau des mers. Le plus grand défi, selon Dagur B. Eggertsson : “to do something before it happens” ; il faut agir et investir avant que les effets du changement climatique soient tangibles et ne causent des dommages à la ville. Il défend ainsi l’activisme pour obtenir des financements d’institutions financières internationales.  

En Ukraine, la ville de Vinnytsia développe malgré la guerre un sens aigu de la durabilité et de la résilience en s’inscrivant dans le projet du Green Deal Européen. C’est la première ville ukrainienne à avoir signé la Déclaration sur le Green Deal, en 2022. La ville anticipe l’après-guerre avec l’ambition de se reconstruire sur des bases durables. Dans ce contexte, l’accent est mis sur la résilience, notamment énergétique ; par exemple, la ville rembourse les sources d’énergie alternatives aux entreprises, construit des capacités solaires, impose des standards d’économie d’énergie pour les bâtiments et parcs industriels, etc. La stratégie de développement 2030 fait de “l’économie verte et [de] la spécialisation intelligente” une priorité. 

 

2- Partager une responsabilité collective

2.1. Un dilemme du prisonnier

There are many examples of companies and entrepreneurs but also products and services with impact ambition that are more expensive because exploitation and extraction are cheaper than the sustainable alternative.” (Michel Scholte, Directeur et co-fondateur de l’Impact Institut & True Price).

Individuellement, nous n’avons pas intérêt à changer si nous sommes seuls à le faire ; les entreprises n’ont pas intérêt à mettre en place des solutions de leur côté si les autres entreprises ne s’engagent pas. Les coûts et les efforts associés à la transition peuvent sembler trop élevés et comporter trop de risques si les concurrents ne font pas de même et n’ont pas à assumer les mêmes contraintes. Comme l’explique Caroline Neyron, Directrice Générale du Mouvement Impact France, les entreprises n’ayant pas d’incitation à s’engager, celles qui font des efforts sont pénalisées vis-à-vis de la concurrence. L’enjeu est de parvenir à partager une responsabilité collective, à travers plusieurs leviers : la coalition, l’accompagnement, les contrats, ou encore la réglementation. C’est aussi pour lever ce verrou que Paris-Île de France Capitale Économique vise à montrer dans ses travaux l’intérêt, en dépit des coûts associés, à s’engager avec ambition dans les transitions pour pouvoir être pionnier et leader et ainsi assurer la pérennité de son attractivité sur le long terme.

2.2. Accompagner, mobiliser et influencer…

…les fournisseurs et partenaires :

L’entreprise ne peut pas changer si les partenaires en amont et en aval de la chaîne de valeur continuent business as usual. Avec la prise en compte du scope 3 dans le calcul de l’impact de l’entreprise, les nouvelles réglementations étendent la responsabilité de l’entreprise. Celle-ci doit accompagner ses fournisseurs ; Edward Bouygues, Président de Bouygues Telecom, fait remarquer que la transition est beaucoup plus complexe pour les petits fournisseurs qui ont des moyens limités.

…les clients :

L’entreprise doit être à l’écoute de ses clients. Pour se transformer sans aller à l’encontre des intérêts de ses clients, VINCI met en place des solutions contractuelles avec eux, tels que des contrats de maintenance qui permettent de gérer les émissions de carbone et les dépenses énergétiques. Celles-ci viennent en complément des solutions techniques.

…les collaborateurs : 

Pour convaincre à l’intérieur de l’entreprise et engager l’ensemble des collaborateurs, il faut traduire le langage de la durabilité en fonction des métiers. John McCalla-Leacy, Directeur global de l’ESG à KPMG, explique qu’il faut être spécifique et décliner les termes de la durabilité pour les rendre concrets, appropriables et exploitables par tous : “to the CEO, I don’t speak about ESG. I speak about asset or risk management” (John McCalla-Leacy).

…les pouvoirs publics : 

Les entreprises ont le pouvoir d’exercer une pression sur les pouvoirs publics par un lobbying responsable. Kelsey Beltz, responsable des partenariats internationaux à The Good Lobby, explique que le lobby peut être une pratique saine pour la démocratie, c’est un outil qui doit être mis au service de la transition écologique et sociale, à condition de le mobiliser avec éthique et transparence.

…l’ensemble des acteurs de la ville : 

Sophie Hæstorp Andersen, Maire de la ville de Copenhague, explique que les villes ne peuvent seules améliorer la qualité de vie. Elles ne le pourront qu’en travaillant conjointement avec des entreprises privées et publiques. Grégory Doucet, Maire de Lyon rapporte en effet que la ville est responsable de seulement 5% des émissions de gaz à effet de serre ; les 95% restants proviennent des entreprises, associations et habitants. Par ailleurs, s’arrêter à l’échelle de sa propre ville ne suffira pas, le problème étant planétaire et relevant d’un ensemble d’interdépendances. Copenhague travaille ainsi avec d’autres villes pour partager des solutions : elle travaille notamment avec des villes du Sud comme Johannesburg où il existe des barrières au financement.

2.3. Vers une réglementation supranationale

La transition écologique et sociale est un enjeu global qui requiert une approche systémique à l’échelle internationale. Elle appelle à une coopération renforcée et à une vision commune de l’impact. Maria Syed, chercheuse à l’Interactive Media Foundation gGmbH, dénonce un système économique dépendant de l’exploitation des Suds et plaide pour une décolonisation de l’économie, une redistribution et une réallocation des ressources par un système fiscal juste et équitable et un mécanisme fiscal qui prenne en compte les limites socio-environnementales. Caroline Neyron plaide quant à elle pour une vision alignée de l’impact en Europe.

La question de l’impact est essentielle, car elle détermine la performance sociétale de l’entreprise et donc potentiellement sa compétitivité. Les entreprises non-vertueuses resteront plus compétitives que les entreprises à impact tant que la comptabilisation de l’impact ne sera pas partagée à l’échelle globale. Michel

Scholte, Directeur et co-fondateur de l’Impact Institut & True Price, observe que les entreprises responsables pourraient gagner en compétitivité en révélant les “coûts cachés” de l’activité économique sur l’humain et l’environnement. Autrement dit, il affirme que nous avons besoin d’un système harmonisé qui met en avant les externalités négatives et les reporte sur les prix. Ceux qui peuvent payer ces coûts cachés dans la chaîne de valeur doivent le payer ; cela ne sera toutefois possible qu’avec des accords internationaux. La prise en compte des critères extra-financiers dans les décisions d’investissement représente selon lui une bonne étape dans cette voie.

True price is the market price plus the social and environmental cost in the whole value chain of a product. Think for example of the cost for pollution and how much would it cost to clean water, soil and air, or how much would it cost to pay a living wage. We started this over a decade ago with True Price. Ultimately, we provide transparency and voluntary payment of True Price.” (Michel Scholte)

 

3-Focus : le Donut, un outil holistique pour piloter les transitions à l’échelle de la ville

3.1. Le Donut, de la théorie à la pratique

Conçu par Kate Raworth (économiste britannique) dès 2012, le Donut est un modèle de développement et se présente comme une véritable boussole pour la prospérité humaine au 21e  siècle, avec pour objectif de répondre aux besoins humains tout en respectant les limites planétaires. Le beignet se compose de deux anneaux concentriques : une base sociale, à partir de laquelle les besoins humains sont couverts (eau, énergie, logement…), et un plafond écologique qui correspond aux limites planétaires (changement climatique, pollution de l’air, perte de biodiversité…). Entre ces deux frontières se trouve un espace où l’humanité peut prospérer (le sweet spot), qui est à la fois écologiquement sûr et socialement juste.

La théorie du Donut pose une refonte de la pensée économique dans son ensemble (économie régénérative, redistributive, dépasser la seule métrique de la croissance du PIB, etc.). Toutefois, elle se décline facilement et s’applique bien aux politiques publiques et territoriales en leur fournissant un outil de pilotage pour encadrer l’activité économique et humaine, au-delà d’indicateurs parfois simplistes tels que le PIB. Ainsi, des villes pionnières mobilisent le Donut pour piloter leurs transitions comme Amsterdam, Glasgow, Barcelone ou encore Bruxelles.

La difficulté, selon Carlota Sanz Ruiz, Directrice de la stratégie au Doughnut  Economics Action Lab (DEAL), consiste à adapter la théorie globale au contexte particulier d’une ville. La théorie du donut ne fournit pas de solutions concrètes pour atteindre ces objectifs, mais plutôt un cadre général pour guider l’action publique.

3.2. La cas d’Amsterdam, ville-donut pionnière

Amsterdam vise la neutralité carbone ainsi qu’une économie totalement circulaire d’ici à 2050. En 2019, c’est la première ville du monde à appliquer la théorie du donut en tant qu’outil de pilotage pour la ville. Amsterdam a d’abord réalisé des audits dans plusieurs secteurs clés puis a produit un portrait de la ville au prisme des principes du Donut. Marieke van Doorninck, qui était Conseillère en développement urbain et en durabilité pour la ville d’Amsterdam pendant l’implémentation du Donut, précise que les principes du Donut “ne sont pas là pour apporter des solutions toutes faites, mais permettent de transformer la manière avec laquelle on regarde les problèmes, de façon à éviter d’utiliser les mêmes structures auxquelles nous sommes habitués

Portrait de la ville d’Amsterdam vis-à-vis des limites planétaires, 2020:

Portrait de la ville d’Amsterdam vis-à-vis des limites planétaires

Source : “The Amsterdam City Doughnut. A tool for transformative action”. 2020. Doughnut Economics Action Lab, Circle Economy, C40 Cities, Biomimicry 3.8.

Ces nouvelles perspectives engendrent des initiatives bien tangibles, notamment dans le domaine du logement : Amsterdam construit actuellement une île avec 80 000 logements dont 40% de logements sociaux, construits à partir de matériaux durables. La ville s’est aussi lancée dans la collecte d’ordinateurs usagés en vue de les réparer et de les redistribuer aux familles mal équipées, ce qui crée des emplois tout en réduisant la fracture numérique. 

Pour plus d’informations sur le cas d’Amsterdam : Amsterdam Donut Coalitie

3.3. Le cas de Bruxelles-Capitale, une région résolument engagée

La région de Bruxelles-Capitale a adopté un plan climat ambitieux visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030 et à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. À Bruxelles, les objectifs économiques sont alignés sur les objectifs environnementaux ; l’économie et la transition écologique vont résolument ensemble dans la gouvernance de la région. Selon Barbara Trachte, Secrétaire d’État pour la Transition économique et la recherche scientifique de la Région Capitale de Bruxelles, relève trois arguments pour convaincre que business et environnement ne sont pas ennemis : la réglementation, la résilience, et les nouvelles opportunités. Les financements restent les principales incitations pour pousser les acteurs économiques à changer. 

Depuis 2020, le projet Brussels Donut vise à faire du Donut une boussole partagée pour tous les acteurs de la région. Le projet entame aujourd’hui sa deuxième phase, qui consiste à sensibiliser les administrations et entreprises bruxelloises et transformer le portrait du Beignet du Bruxelles en un tableau de bord opérationnel pour piloter les transitions dans la région. Bruxelles a identifié douze domaines prioritaires, tels que la lutte contre le changement climatique, la réduction des inégalités, la promotion de la santé et du bien-être, et la création d’emplois durables.

Pour plus d’informations sur le cas de Bruxelles : Home (FR) – BrusselsDonut

Conclusion

Aujourd’hui, il ressort des différentes tables rondes auxquelles nous avons assistées que le défi est de transformer les transitions écologiques et sociales en un projet de société porteur de sens et d’opportunités. L’horizon lointain et l’ampleur des transformations peuvent constituer des blocages persistants à l’action. Les différents intervenants ont partagé ce constat qu’il faut alors concrétiser des solutions qui s’inscrivent dans le temps long et partager une responsabilité collective à travers plusieurs leviers comme la coalition, l’accompagnement, les contrats, ou encore la réglementation.

L’enjeu est aujourd’hui de combiner l’approche globale et l’approche bottom-up : s’il faut faciliter les initiatives et innovations locales, nous avons besoin de réglementation supranationale pour établir une compétitivité équitable entre les entreprises, internaliser les externalités et inciter tous les acteurs économiques à changer ensemble. Certaines de ces approches font écho aux travaux que nous menons actuellement chez Paris-Île de France Capitale Économique ainsi qu’au sein de The Foundation by PCE. Notre fond de dotation a en effet vocation à créer un réseau de villes et d’acteurs économiques, dans un premier temps à l’échelle européenne, pour partager les bonnes pratiques en matière d’attractivité tenant compte des nouveaux impératifs liés aux transitions.