Décarboner l’immobilier : des solutions intelligentes et performantes économiquement pour des villes résilientes
Décarboner l’immobilier : des solutions intelligentes et performantes économiquement pour des villes résilientes
Aujourd’hui, les exigences environnementales poussent les entreprises à imaginer des solutions technologiques de pointe. Ces innovations vont bien au-delà de l’amélioration de l’efficacité et du confort des espaces de vie et de travail : elles répondent également à des enjeux sociaux, économiques et environnementaux cruciaux.
Comment optimiser l’intégration de ces technologies, notamment l’intelligence artificielle générative, dans la gestion des bâtiments tout en prenant en compte les utilisateurs et leur environnement ?
C’est cette réflexion qu’a portée la conférence « Smart Solutions for Smart Buildings in Smart Cities » organisée le mardi 11 juin à l’Hôtel de Crillon par Top Management France, à l’initiative d’Eric Pellerin, Directeur général France de Mitsubishi Electric Europe.
Autour d’une table ronde animée par Laurent Nocca et Anne Le Gorec (Top Management France) se sont réunis :
- Eric Pellerin, Directeur général France de Mitsubishi Electric Europe ;
- Jérôme Damico, DA prescription tertiaire de Mitsubishi Electric Europe ;
- Christophe Haury, Directeur Division Living Environment de Mitsubishi Electric Europe ;
- Olivier Marin, Rédacteur en chef du Figaro et journaliste spécialisé en immobilier, logement et urbanisme ;
- Chloë Voisin-Bormuth, Directrice générale de Paris-Île de France Capitale Economique (PCE).
Cet événement a rassemblé 40 dirigeants et acteurs de l’immobilier et des infrastructures, parmi lesquels MSC Croisières et Derichebourg Environnement.
Un même constat est partagé par l’ensemble des intervenants : le défi climatique s’impose aux entreprises comme une réalité, si bien qu’innover sans anticiper l’impact environnemental est devenu inconcevable. Les anciens modèles, priorisant la rentabilité financière et une vision de court terme, doivent faire place à de nouveaux, privilégiant le temps long et adoptant des modes de production et de gestion durables, affirme Eric Pellerin. Comment penser au-delà de la seule performance économique pour embrasser une vision de long terme axée sur la résilience ? La complexité du sujet réside dans la multiplicité : multiplicité des défis, des parties prenantes mais aussi des freins.
S’arrêter aux freins ne permet pas d’anticiper le monde de demain. C’est pourquoi les différents intervenants ont proposé un changement de perspective : ne plus considérer les contraintes législatives, techniques et sociétales comme des freins à l’action, mais comme des opportunités de croissance et de développement de nouveaux facteurs d’attractivité. Un changement de perspective auquel adhèrent de plus en plus les entreprises, qui se considèrent elles aussi désormais comme des acteurs clés des transitions, notamment environnementale et énergétique.
L’ancien, l’avenir du neuf ?
Dans un contexte de crise immobilière multiforme (pénurie de logements, difficulté à obtenir des permis de construire, acceptabilité réduite des projets, etc.), Olivier Marin insiste sur l’émergence de nouveaux modèles qui appuient la nécessaire décarbonation des villes et de l’immobilier : « Les métiers de l’urbanisme et de l’immobilier sont en train de changer, les modèles sont totalement bouleversés à la fois dans l’acte de construire, dans les nouveaux usages, dans les façons de percevoir la ville, de la vivre et de l’habiter ».
Il évoque plus particulièrement :
- L’utilisation croissante de matériaux écologiques et durables comme le bois massif, qui représente 6 à 7% de la construction neuve en France et qui permet la construction d’infrastructures plus respectueuses de l’environnement, moins énergivores, mais aussi plus agréables pour leurs utilisateurs ;
- La construction hors-site en circuit court, qui consiste à assembler les éléments d’un bâtiment en usine, permettant de réduire les déchets et de gagner en efficacité. Grand Paris Aménagement (membre de PCE) vient de créer avec Immobilière 3F (bailleur social), la Société des Grands Projets (membre de PCE) et le Conseil national de l’Ordre des architectes l’association « Filière hors-site France ». Son but : fédérer tous les acteurs de la filière, identifier les freins et les lever, à la fois pour que le carnet de commandes des acteurs se remplisse mais aussi pour que ces derniers puissent honorer les commandes en bénéficiant, par exemple, de personnel qualifié.
- Plusieurs solutions pour faire plus avec ce que l’on a déjà :
- L’intensité d’usage, ou chronotopie, qui gagne de plus en plus d’attention dans un contexte de sobriété foncière. Alors qu’un immeuble de bureaux n’est utilisé que 30% du temps en moyenne et une école seulement 20%, il est possible de multiplier les usages d’un même bâtiment afin de réduire les besoins en construction de structures dédiées;
- La transformation de bureaux en logements : phénomène accentué depuis l’avènement du télétravail, 1 million de mètres carrés d’immeubles de bureaux de plus de 2 000 mètres carrés sont aujourd’hui vides en Île-de-France. Les évolutions législatives soutiennent le mouvement de transformation de ces actifs obsolètes en logements mais des freins persistent, tout comme un certain attentisme, ce qui explique le faible nombre de projets de transformation. Pour montrer que ces projets sont vecteurs d’attractivité pour une ville et que l’équation économique est résoluble, Paris-Île de France Capitale Économique a créé le Prix international de la Transformation de Bureaux en Logements qu’elle porte en partenariat avec la Maison de l’architecture Île-de-France depuis plusieurs années. Nos travaux sur cette thématique ont été lancés sous l’impulsion de Xavier Lépine, alors Président du Directoire de La Française et Président d’un groupe de travail chez PCE, qui a notamment permis l’écriture d’une partie de la loi ELAN.
- La surélévation d’immeubles qui favorise une densification douce et permet de poursuivre la construction tout en respectant la loi Climat et résilience instituant le Zéro Artificialisation Nette (2021). La surélévation peut aussi contribuer à financer la rénovation des bâtiments à travers la vente des droits à construire de ce foncier aérien.
- La réversibilité des constructions enfin, dont le village olympique est un parfait exemple en intégrant le temps long qui verra les athlètes remplacés par 6 000 nouveaux habitants en phase héritage.
Selon Olivier Marin, ces différentes innovations répondent aux impératifs environnementaux mais également sociaux, en offrant des pistes de réponse à l’enjeu du logement inclusif et accessible à tous : « les modèles éco-responsables, en se multipliant, vont contribuer à valoriser l’environnement, réinventer des lieux de vie, recycler, réhabiliter, régénérer, concevoir des bâtiments et des opérations hybrides à faible empreinte carbone, en pensant aux générations futures. On va passer d’un urbanisme de construction à un urbanisme de transformation. Peut-être que l’avenir du neuf, c’est l’ancien. ».
Décarboner les bâtiments, un levier de croissance – et de RSE
La décarbonation ne réside pas que dans la construction, mais aussi dans l’efficience énergétique. Christophe Haury rappelle que Mitsubishi Electric a su évoluer pour accompagner ses clients dans la rénovation énergétique de leurs bâtiments :
- Pilotage Énergétique : Jérôme Damico met en avant l’importance de piloter financièrement les actifs immobiliers sans dégrader le confort des occupants en développant une gestion optimale de la consommation énergétique. Il bouscule l’idée reçue selon laquelle les contraintes légales sont des défis coûteux et les qualifie plutôt d’opportunités économiques et durables : « RE 2020, RE 2025, décret éco tertiaire… et si on regardait ce défi réglementaire comme une opportunité plutôt que comme une contrainte ? C’est une opportunité économique pour les entreprises et pour les gestionnaires immobiliers. Mais c’est aussi un enjeu d’attractivité pour les entreprises : nos parties prenantes attendent de nous tous de devenir des acteurs importants du nouveau monde énergétique qui se dessine ».
- Solutions Techniques Avancées : Mitsubishi Electric développe et propose des solutions techniques permettant de suivre et d’optimiser la consommation énergétique des bâtiments. Cela inclut des systèmes de chauffage, de climatisation et de production d’eau chaude utilisant des technologies comme les pompes à chaleur, qui récupèrent l’énergie pour une consommation plus efficiente et durable.
- Optimisation des Systèmes en Place : Christophe Haury insiste sur l’importance de la maintenance préventive et prédictive qui permet d’optimiser les systèmes en place et de réduire les coûts liés à la réparation et au changement d’équipements déficients.
- Recherche et Développement : L’entreprise investit dans la recherche et le développement avec plusieurs centres de recherche en France, notamment à Rueil-Malmaison et en Bretagne. Ces centres travaillent sur des innovations visant à réduire l’empreinte carbone des produits et solutions proposés par Mitsubishi Electric.
- Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE) : Eric Pellerin insiste sur l’importance de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). L’engagement de Mitsubishi Electric se traduit par une adaptation aux réglementations et une volonté de contribuer positivement à l’écosystème en développant des solutions durables.
- Attractivité et Transformation Énergétique : En se positionnant comme acteur de la transformation énergétique, Mitsubishi Electric répond aux attentes de ses collaborateurs comme de ses parties prenantes (clients, fournisseurs, pouvoirs publics). L’entreprise a pour but de concevoir des villes et des entreprises plus durables, ce qui est crucial pour attirer et retenir des talents et pour répondre aux attentes des parties prenantes concernant la RSE.
« La ville de demain ne pourra plus être insouciante, nous ne pouvons plus être insouciants » : pour Eric Pellerin, les enjeux de la décarbonation et de l’efficience énergétique modifient profondément l’entreprise, non seulement dans ses techniques et ses produits, mais aussi dans son rapport au temps. Les entreprises font face à la nécessité de penser sur le long terme. Il s’agit d’un enjeu de responsabilité et d’attractivité car les entreprises doivent répondre aux attentes fortes exprimées à la fois par leurs parties prenantes, mais aussi par leurs salariés. « Avec les activités de Mitsubishi Electric, nous répondons évidemment à un double enjeu économique et écologique ; mais nous répondons aussi, en tant qu’entreprise, à un enjeu sociétal : dessiner la ville de demain, pour nos collaborateurs, pour nos parties prenantes, pour l’ensemble des habitants. Nous considérons que l’entreprise a aussi une responsabilité à porter dans ce domaine qui s’inscrit sur le temps long » exprime Eric Pellerin.
Décrypter les signaux faibles pour préparer l’attractivité de demain
« Penser le long terme » : c’est l’objet de Paris-Île de France Capitale Économique (PCE), think & do tank dédié à l’attractivité des métropoles à l’aune des transitions, rappelle Chloë Voisin-Bormuth. En effet, les différentes transitions et transformations (transitions environnementale et énergétique, vieillissement de la population, troubles géopolitiques, transformations de nos modes de vie, de travailler, de produire en ville, développement du numérique et de l’IA…) auxquelles nos villes, nos sociétés et nos entreprises sont soumises rendent obsolète l’ancien logiciel de l’attractivité. Il ne s’agit plus d’optimiser les voies connues, mais d’en ouvrir de nouvelles. Ce renouvellement est crucial dans un contexte marqué par l’incertitude, la pression croissante sur les ressources, une acceptabilité de plus en plus réduite des différents projets, une méfiance croissante et des menaces toujours plus importantes.
Pourtant, ces contraintes ne s’appliquent pas à tous ni partout dans le monde de la même manière, conduisant à complexifier le jeu de concurrence auquel les villes continuent de se livrer, jeu renforcé par les entreprises. Un exemple révélateur peut être trouvé dans la mise en concurrence faite par Amazon pour l’installation de son 2e siège social. En 2017, le groupe a publié un document de demande de propositions (RFP), incitant plus de 200 villes en Amérique du Nord à soumettre leurs candidatures. Parmi les critères exigés, on pouvait trouver la taille de la population, un ensemble de services publics (transports publics, écoles de qualité…) et d’aménités (qualité de vie), la disponibilité du foncier avec de fortes capacités d’expansion si souhaitée, le package financier (subventions, réductions d’impôts) ou encore l’engagement des acteurs locaux en faveur d’un partenariat avec Amazon. La promesse ? 25 000 nouveaux emplois et le développement d’une nouvelle Silicon Valley. La réalité aujourd’hui ? Seulement 8 000 emplois créés et une construction de campus mis en pause, avec seulement 2 bâtiments construits sur les 6 prévus par Amazon. Cet exemple montre toute la complexité qui sous-tend l’attractivité : à la fois savoir être très réactif et se positionner face à des acteurs économiques qui ont le monde comme terrain de jeu ; et en même temps, anticiper les futurs facteurs d’attractivité qui feront rapidement la différence.
Chloë Voisin-Bormuth partage certains de ces futurs facteurs :
- L’engagement en faveur de la décarbonation devient un critère de choix pour les investisseurs internationaux. L’enquête menée par Paris-Île de France Capitale Économique dans son Global Cities Investment Monitor (GCIM) en partenariat avec Choose Paris Region et OpinionWay montre que si les critères « classiques » de fiscalité, de soutien aux entreprises ou de disponibilité d’une main d’œuvre qualifiée restent des constantes au fil des ans, les mesures prises en faveur de la décarbonation sont de plus en plus valorisées par les investisseurs et les entreprises car elles leur garantissent un environnement partenarial favorable pour suivre leur propre feuille de route de décarbonation. Ainsi, si Dubaï, dans les faits, caracole largement en tête du classement du GCIM et a vu doubler entre 2021 et 2022 le nombre de projets d’investissements étrangers sur son territoire, Paris-IDF (classée 4e) est identifiée comme un terrain d’investissements d’avenir en relation directe avec les mesures de décarbonation qui y sont prises (notamment énergie décarbonée et transports décarbonés avec le Grand Paris Express).
- La résilience : la conséquence directe des transitions et du changement climatique auxquelles nos sociétés font face est un accroissement de l’incertitude. Les chocs ne nous épargneront pas, mais nous ne savons ni lesquels, ni quand ils surviendront, ni comment, ni avec quelle intensité.
« Ce qui fera l’attractivité des villes pour les entreprises demain, au-delà du quatuor traditionnel fiscalité/talents/foncier immobilier/réglementation, ce sera la capacité à rassurer en ayant adopté une vraie stratégie de résilience, le fait de s’être adapté aux conséquences du changement climatique et d’avoir réussi à resserrer les liens de confiance entre institutions, société civile et entreprises qui sont clés pour la réussite des projets », met en avant Chloë Voisin-Bormuth.
La capacité à rassurer les acteurs économiques deviendra donc un élément clé de l’attractivité des territoires. Rassurer ne signifie pas garantir un risque zéro : le concept de résilience signifie au contraire accepter l’éventualité du choc et de la perte et, de fait, se donner la chance de s’y préparer en décidant collectivement de ce que l’on accepte et de ce que l’on refuse de perdre. Cette préparation collective permet à chaque entreprise d’assurer au mieux la continuité de ses activités ou la reprise rapide, tout en limitant les coûts associés. Pittsburgh est à cet égard un exemple intéressant puisque la ville a développé une stratégie de résilience autour du programme P4 « People, Planet, Place, Performance ». Ce programme a permis de positionner Pittsburgh comme un modèle de ville résiliente et durable, attirant de nouvelles entreprises et investissements tout en améliorant la qualité de vie des résidents. La ville a ainsi pu transformer son image de centre industriel en déclin en une métropole dynamique et innovante, capable d’attirer des entreprises telles que Google, Uber, Facebook ou Amazon. D’autres villes comme New York intègrent systématiquement les enjeux climatiques dans leur planification budgétaire et stratégique.
La donnée au cœur des enjeux
Pour mettre en œuvre des stratégies de résilience, d’adaptation au changement climatique et de décarbonation, la donnée joue un rôle majeur, aussi bien à l’échelle du bâtiment qu’à celle de la ville. La donnée sous-tend en effet la transition vers des villes et des bâtiments plus durables en permettant une gestion plus intelligente des ressources, une planification urbaine plus efficace et en renforçant l’engagement des citoyens et des entreprises.
Monitorer, gérer… et convaincre : la collecte et l’analyse de données précises sur la consommation énergétique des bâtiments permettent de mieux comprendre les besoins en énergie et d’optimiser l’utilisation des ressources. « Il est clair que, dans le monde de l’industrie, monitorer les informations et capturer de la data pour gérer au mieux l’énergie est essentiel » souligne Eric Pellerin, « la meilleure énergie reste celle qu’on ne consomme pas, qu’on consomme bien ». Par exemple, Mitsubishi Electric utilise des systèmes de monitoring pour les flux énergétiques et les véhicules, ce qui aide à ajuster les stratégies de consommation d’énergie en temps réel. Mais ils vont plus loin : la donnée est également utilisée pour éduquer et sensibiliser les citoyens sur les pratiques énergétiques durables. Mitsubishi Electric travaille ainsi avec les bailleurs pour former les locataires aux meilleures pratiques de consommation énergétique : « Nous sommes capables aujourd’hui de mettre en place des systèmes qui conjuguent des dispositifs techniques très efficaces pour décarboner l’énergie (pompes à chaleur) et des feuilles de route énergétiques reposant sur une vraie stratégie. Tout le monde ressort gagnant : le bailleur qui a décarboné son parc et les habitants qui ont baissé leurs charges locatives. » (Christophe Haury).
Récolter la donnée pour simuler et rendre l’aménagement des villes plus efficace : PEARL (Planning and Environmental Assessment in Real Time) est une initiative novatrice à Londres qui vise à créer un environnement de recherche et d’innovation pour explorer les interactions complexes entre les bâtiments, les infrastructures et les conditions environnementales urbaines : d’énormes entrepôts urbains sont équipés de capteurs avancés pour surveiller et tester divers scénarios, tels que les effets des conditions météorologiques extrêmes, les flux d’énergie et les interactions entre les différentes infrastructures urbaines. En France, à Paris, une initiative similaire se concentre sur les effets du climat et de la pollution : Sense-City recrée une mini-ville dans deux chambres climatiques. Ce projet de l’université Gustave Eiffel permet d’étudier la pollution atmosphérique, de l’eau ou des sols, ainsi que la performance d’aménagements et de matériaux urbains selon différentes conditions climatiques. Ces simulations permettent à la fois de tester différents scénarios mais aussi d’améliorer la technique des capteurs avant leur déploiement dans la ville.
Toutefois, le plus grand obstacle à lever pour le déploiement de ces capteurs n’est pas d’ordre technique : il relève de l’acceptabilité sociale. Le cas de Quayside à Toronto le montre bien, comme le rappelle Chloë Voisin-Bormuth. Sidewalk Labs, une filiale d’Alphabet (la maison mère de Google), prévoyait de développer un quartier intelligent intégrant des technologies avancées comme la collecte de données personnelles par des capteurs et l’analyse d’ensembles massifs de données. Les résidents ont exprimé de sérieuses inquiétudes quant à la manière dont les données seraient collectées, stockées et utilisées et craignaient que leurs mouvements et comportements soient constamment surveillés. Cela a soulevé des préoccupations majeures en matière de vie privée, d’autant que le quartier devait bénéficier d’une forme de gouvernance spécifique, impliquant un partenariat public-privé et une certaine autonomie décisionnelle. Les inquiétudes se sont donc aussi portées sur la manière dont ce modèle de gouvernance pourrait être mis en œuvre de manière transparente et démocratique, ainsi que sur la responsabilité et le contrôle public sur un projet d’une telle envergure. Faute d’acceptabilité, le projet a échoué, montrant tout l’intérêt de projets qui mettent la puissance de la donnée au service des habitants.
C’est le cas à Vienne (Autriche). Dans le cadre de leur projet de smart city, la ville dialogue constamment avec les habitants pour s’assurer de la bonne compréhension des enjeux, de l’acceptabilité et de l’efficacité des mesures. Boston est allée encore plus loin avec son lab d’innovation New Urban Mechanics qui travaille sur différentes thématiques traditionnellement connues pour causer le mécontentement des habitants, telles que la gestion des déchets, la mobilité, l’aménagement urbain et la sécurité. Le programme teste et déploie diverses technologies et innovations numériques (capteurs, applications mobiles). Mais, au-delà de la collecte des informations en temps réel pour améliorer la prise de décision, l’innovation réside surtout dans son pan social, puisque le programme implique les habitants dans la résolution des problèmes urbains et promeut des solutions qui renforcent le tissu social et la résilience communautaire. Cette initiative repose en effet sur la remontée directe d’informations par les habitants pour identifier et résoudre les problèmes, misant sur le contact direct avec les Bostoniens.
Conclusion
Ce qui ressort de cette table-ronde, c’est qu’il existe autant de solutions que d’acteurs en ce qui concerne la transition vers une ville intelligente et décarbonée. S’il est primordial de continuer à innover, l’enjeu principal réside plutôt dans l’adaptation de ces solutions aux besoins spécifiques de chaque ville, tout en prenant en compte la multiplicité des parties prenantes. Plus que jamais, les pouvoirs publics et les groupes privés doivent travailler ensemble à repenser les espaces urbains pour les adapter aux nouveaux enjeux, dans un contexte de très forte concurrence entre les villes. L’urgence climatique, l’avènement des nouvelles technologies, le défi démographique rendent peu à peu les anciens modèles obsolètes : il existe là une opportunité à saisir, l’ensemble des intervenants l’ont montré. À cet égard, le Grand Paris a beaucoup d’atouts à faire valoir avec une concentration exceptionnelle d’acteurs économiques engagés.